LA CHIRURGIE DE LA MAIN avec TARMED 2018 ( proposition Berset)
En préambule :
La plupart des chirurgiens de la main actuellement installés dans le canton de Vaud, ont d’abord obtenu un titre FMH d’une spécialité « mère « ( orthopédie, chirurgie plastique..) puis ensuite acquit pendant au minimum 2 ans, mais souvent pendant 3 à 5 ans supplémentaires, une formation complémentaire en chirurgie de la main. Ce n’est que depuis 1er janvier 2015, qu’une formation de spécialiste en chirurgie de la main à part entière a été reconnue par le département fédéral de l’Intérieur. Tous ces chirurgiens se sont donc formés pendant 10 voir 12 ou 13 ans avant d’ouvrir leur propre cabinet.
L’activité du chirurgien de la main se fait en partie en salle d’opération, l’autre consistant à examiner de nouveaux patients à son cabinet et à procéder aux contrôles post opératoire à moyen et long terme, ainsi qu’à prendre en charge des patients ne nécessitant pas de traitement chirurgical, c’est-à-dire en consultant.
Il a comme source de revenu ses interventions (facturée selon Tarmed , car 95 % des interventions se font en ambulatoire et du 5% restant , la moitié est également facturée selon Tarmed , puisqu’il s’agit de cas pris en charge par les assureurs LAA) et les honoraires générés par ses consultations .Contrairement à d’autres, ( généralistes ou spécialistes) il ne procède à aucun examen de laboratoire, ECG ou autre examen particulier pouvant être facturé et rarement à des examens de radiologie dont la facturation s’ajoute et complète les revenus du cabinet. Comme pour tous les cabinets, il a des charges dont les principales sont les salaires, le loyer et également une assurance responsabilité civile, dont le montant est toutefois majoré au vu de son activité chirurgicale, par rapport à un médecin non interventionniste.
En pratique :
L’introduction du tarif Berset va globalement impliquer une diminution globale de 50 % des honoraires générés par l’activité chirurgicale du chirurgien de la main, ce qui n’est évidemment pas acceptable
L’exemple le plus parlant est celui de l’opération du tunnel carpien, très représentative de notre spécialité puisque plus de 25’000 opérations de ce type se pratique en Suisse chaque année, sous anesthésie loco-régionale, ambulatoirement.
Dans le tarif Tarmed actuel, le temps permettant de calculer la rémunération de ce geste est de 34 minutes (prestation en soit, préparation, finition et rapport), ce qui est légèrement inférieur à la réalité (habituellement entre l’entrée du patient en salle d’opération et l’entrée du patient suivant, il s’écoule 40 à 45 minutes). Mais il ne faut surtout pas que le patient présente le moindre petit problème entravant le bon déroulement de l’intervention, comme par exemple une poussée hypertensive, qui va notablement rallonger la durée de l’opération. Il ne faut pas non plus que le patient présente une malformation anatomique ou une pathologie supplémentaire rallongeant le temps opératoire ! Si tel est le cas, le temps supplémentaire passé par le chirurgien en salle d’opération ne peut être facturé en plus, et cela peut aller de 10 à 30 minutes!

Ce temps de 34 minutes est calculé pour un chirurgien formé, expérimenté et non pas pour un assistant en formation ! L’opération est actuellement rémunérée à 177.12 pts soit pour le canton de Vaud à 170- frs.
Aucune amélioration technique pouvant raccourcir le temps opératoire n’a été développée dans les 30 dernières années, et en particulier, pas depuis l’introduction du Tarmed.
Dans le Tarif Berset, le temps attribué à cette opération ne change pas (34 minutes pour prestation en soit, préparation, finition et rapport), par contre les honoraires du chirurgien passent de 177.12 à 82.14 pts, donc une diminution de 53 %.

Le chirurgien va toucher 78.85 frs pour prendre le risque, non seulement de léser un nerf essentiel à la fonction de la main voir des tendons, mais surtout pour passer 45 minutes en salle d’opération, soit un tarif horaire de 104.- frs !

Si l’on regarde les chiffres de 2016, 884 interventions de tunnel carpien ont été pratiquées dans 2 grandes cliniques lausannoise, par des chirurgiens de la main formés et expérimentés. Ces interventions représentent au minimum 30 % des opérations annuelles de chacun d’entre eux.
Avec vu des conditions économiques proposées aux chirurgiens de la main par le tarif Berset, ces derniers n’auront comme seule solution, pour assumer les frais de cabinet et simplement, gagner leur vie, de renoncer à pratiquer certaines opérations. A la place, ils vont devoir se résoudre à consulter, activité décemment rémunérée (et encore) plus tôt que d’opérer.

De ce fait, une très grande partie des patients nécessitant une opération de tunnel carpien, ou autre, seront, après une première consultation au cabinet du spécialiste en ville, référés au centre de la main du CHUV. Une nouvelle consultation aura lieu là-bas et enfin la date de l’opération pourra être fixée. Cela va impliquer pour le patient un retard significatif dans sa prise en charge chirurgicale, un allongement de sa période d’inconfort voir de souffrance, une augmentation de la durée d’incapacité de travail. En plus, pour les cas aigus, va exister un risque augmenté, de présenter une atteinte définitive de troubles de la sensibilité de sa main, troubles qui n’auraient pu être que temporaire en cas d’intervention rapide. Nous ne parlerons pas que l’expérience professionnelle des chirurgiens de la main installés depuis de nombreuses années ne sera plus mise à disposition de ces patients. Cela va aussi augmenter les frais liés à cette pathologie, vu de l’augmentation du nombre de consultations (plus d’intervenants). En plus, ce transfert de patients vers les hôpitaux publics aura comme conséquence inéluctable la fermeture de centres de chirurgie ambulatoire et de ce fait, le licenciement du personnel para-médical qui y travaille actuellement.
Cet exemple du « tunnel carpien », est significatif au vu du grand nombre d’interventions de ce type pratiquée chaque année, mais doit être transposé dans la quasi-totalité des interventions en chirurgie de la main suite à la tarification proposée par Mr Berset.
Il ne faut pas non plus oublier la problématique liée à l’assistance opératoire.

Dans un certain nombre d’intervention, la présence d’un assistant, médecin, spécialiste, est requise pour aider le chirurgien dans l’accomplissement de son geste. Sa présence permet ainsi une meilleure qualité de l’intervention et une diminution significative du temps opératoire, avec pour corolaire une diminution du risque de complications, et en particulier du risque d’infection.
En voici un exemple parlant : l’arthroscopie «standard» du poignet (24.2490) ne tient pas compte de l’aide d’un assistant, et sa présence à ce stade de l’intervention n’est pas rémunérée.
En fonction des découvertes per-opératoires (qui ne peuvent souvent pas être prévues malgré les examens pré-opératoires), il peut s’avérer alors nécessaire de pratiquer un geste plus important, comme de procéder à la refixation du ligament triangulaire (24.2510). Dans ce cas là, la présence de l’assistant est requise et rémunérée à 43,49 pts (41.75.-frs). Dans cette situation, l’assistant (évidemment présent dès le début de l’intervention), va passer 86 minutes en salle d’opération et être rémunéré 41.75.-frs, soit un tarif horaire de 29.12.-frs. Plus aucun assistant ne viendra en salle d’opération pour ce genre d’intervention. Il vaudra mieux pour lui de rester consulter dans son cabinet !
L’introduction de ce nouveau tarif aura également, à moyen ou long terme, comme conséquence une diminution drastique du nombre de jeune médecin voulant éventuellement se former dans une spécialité chirurgicale que se pratique essentiellement de façon ambulatoire comme c’est le cas de la chirurgie de la main. Mieux vaudra dès lors pour eux de choisir soit une spécialité chirurgicale différente, ou alors de choisir une formation plus courte et avec une prise de risque de tout instant moins grande.
Il est quand même très étonnant que le tarif Berset ne tienne pas compte de la spécificité de notre formation, des risques encourus par le patient comme par le chirurgien lors d’une opération, dans la fixation de notre rémunération. Ceci est d’autant plus difficile à comprendre puisque notre système de santé en tient globalement compte.
N’avons-nous pas l’obligation d’obtenir du patient son consentement éclairé avant une intervention, ce qui n’est pas demandé dans les spécialités non interventionnelles. Même les assurances tiennent compte de notre spécificité puisque les primes des assurances RC sont sensiblement plus élevées dans notre spécialité.
Les chirurgiens de la main vaudois demandent simplement que leur activité soit rémunérée de façon adéquate , en tenant compte de ce qu’ils apportent à leurs patients, de leur disponibilité permanente, de la durée de leur formation, des risquent qu’ils prennent et assument chaque jour en opérant, des charges liées à l’activité d’un cabinet, des primes d’assurance responsabilité civile particulière vu le type de leur pratique…Ils veulent seulement gagner leur vie décemment, ce qu’une diminution de 50% de leurs honoraires chirurgicaux ne leur permettra plus et ne serait du reste, accepté dans aucune profession !

Pendant des années, les instances politiques ont préconisé le transfert de l’hospitalier à l’ambulatoire, ce qui du reste a toujours été le cas de notre spécialité. Et maintenant Mr Berset veut nous imposer un tarif diminué de moitié, et ce sans aucune justification, puisque ni la durée d’intervention, ni le matériel utilisé en salle, ni la qualité de la formation et encore moins la difficulté de la spécialité ne se sont modifiés !
Pour le GVCM (Groupement Vaudois des Chirurgiens de la Main)
Dr N.Favarger, Président
Lausanne 23.4.2017